La bière, la pub et la loi française

Paul 17 septembre 2015 0

Une publicité qui ne doit pas inciter à consommer le produit, OUI monsieur ça existe !

Ce qui, a-priori, peut paraître aberrant pour certains a été pensé dans le but de protéger le citoyen via une responsabilisation des acteurs, à savoir les alcooliers et les consommateurs.

L’esprit de la loi n’est pas la prohibition, mais simplement le respect de l’éthique et de la déontologie publicitaire,

En France, comme pour le tabac, c’est la loi « Evin » ( loi n°91-32 ) qui fixe les règles, lesquelles sont retranscrites dans la code de la santé publique ( CSP ) aux articles L 3323-2 à L 3323-6 et ce depuis maintenant 25 ans

La publicité ( ou propagande ) est autorisée mais doit s’inscrire dans la liste limitative de supports et est contrainte d’utiliser un des types de mention prévu par le législateur et ce, quand bien même elle serait indirecte : objets,  manifestations, site web non marchand etc…

Dans un soucis de préserver l’économie et donc les emplois liés au terroir français, la très récente Loi Macron ajoute la région de production et les références au patrimoine régional aux mentions admises, au grand dam des partisans de l’eau ferrugineuse…

Tout ce qui est attrait à la jeunesse demeure bien sûr zone interdite et, pour les majeurs une mention sanitaire sera présente sur le support pour lui rappeler qu’il n’est plus un ado’ mais un adulte responsable : « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération » ; cette dernière devra être clairement lisible : taille suffisante, caractère gras, couleur tranchante.

Il est également de mise, par un logo très explicite, d’informer les femmes enceintes que consommer de l’alcool est strictement déconseillé. ( alcoolisation fœtale )

Sorti de ce cadre le producteur ou simple revendeur s’expose à des sanctions relativement lourdes ( art. L 3351-7 CSP )

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Non il n’y a pas de prohibition, cet épisode appartient bel et bien au passé : il s’agit simplement de prévenir, informer et cadrer.

Pour autant le fait d’apposer la mention légale en bas de page et sur le support cartonné d’un coffret n’autorise en rien le vendeur a faire ce qu’il veut ( c.cass 23/02/2012 )

L’association nationale d’utilité publique pour la prévention de l’alcoolisme et des addictions ( ANPAA ) veille au grain et ne manque pas d’ester en justice quand celle-ci estime que l’entreprise outrepasse ses droits.

Ainsi en est-il dans les désormais célèbres affaires « Ricard » pour une application mobile un peu trop intrusive, « Heineken » par rapport à la coupe du monde de rugby ou « Taittinger » avec la FIFA, et la liste est loin d’être exhaustive!

Le parrainage de type sponsoring est prohibé, de même que certaines allusions…

Ad’ but not adding :

Vous pouvez faire votre pub mais n’en faites pas trop !

Si il est strictement interdit d’associer le sport professionnel à une marque d’alcool, il est également recommander d’éviter les allusions de type amalgame entre boissons et réussite, boisson et convivialité, boisson et réussite sexuelle, boisson et soins thérapeutiques, boissons et véhicules à moteur,

Idem pour tout ce qui contribue a encourager la consommation excessive ou à pointer du doigts la non-consommation,

Ou encore mettre en scène des personnages ( célébrités ) qui ne sont pas des professionnels ( brasseurs, biérologue… )

La liste ( établi par l’autorité de régulation professionnelle de la publicité en concertation avec les publicitaires ) est libre d’interprétation ( c’est le travail du juge ) mais peut se résumer en un mot : non-incitation.

L’action publicitaire doit en effet permettre au consommateur de connaître le produit et de pouvoir faire un choix mais sans être incitative.

C’est la même chose sur Internet : au départ controversé, le support numérique a été rajouté a-posteriori par le législatif, qui au moment des débats parlementaires, faut-il le rappeler, n’avait pas connaissance du boom des réseaux sociaux,

Ainsi, l’art.L 3323-2 CSP, incorpore en son 9éme alinéa « les services de communications », les mêmes principes que ceux vu précédemment s’appliquent donc mais sous réserve que la pub’ ne soit ni intrusive ni interstitielle.

Les réseaux sociaux sont un terrain autorisé mais la nature diffuse et internationale du web complique l’affaire et met en exergue LE vide juridique en la matière.

Tout le monde est amené à fréquenter les réseaux sociaux, principalement la jeunesse or rien ne permet de le prouver, dés lors l’interdiction d’un média social comme support publicitaire ne saurait être juridiquement fondée,

C’est pourquoi, il n’a jusqu’alors jamais été possible d’établir un troisième niveau d’interdiction propre à Internet tant la toile est « un média qui se joue des limites ».

D’autre part, concernant la messagerie personnelle ( MP ), qui peut dire où se situe la frontière en vie privé et espace publique?

Comme dans beaucoup de domaine donc, des précisions jurisprudentielles seraient les bienvenues, avec si possible des arrêts de principe ( de la haute juridiction ),

Sur la partie web, l’anti-alcool souhaiterait une législation plus sévère ; le juriste plus précise.

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En résumé, vendre de la bière fait de vous un acteur responsable et à ce titre, vous devez bien sûr en refuser la vente au mineurs et renoncer à certaines techniques usuelles du marketing. Vous pourrez « publiciter » , mais avec circonspection en piochant dans une liste limitative de mentions à apposer sur un type de support qui s’inscrit lui-même dans une autre liste limitative, vous suivez?

Comme le souligne maître Erwan Le Morhedec,  la pub’ « ne doit pas être trop positive », elle ne doit pas inciter en consommer : à l’instar du brassage tout est dans le dosage…

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